jeudi 2 août 2007

CONVENTION EN QUESTION

Vent de zizanie sur l'Adéma
Le parti au pouvoir a confirmé le recours à des primaires pour désigner son candidat à la présidentielle. La course à la présidentielle prévue le 14 avril 2002 est entrée dans une phase cruciale : l'investiture du candidat du parti au pouvoir. Le président Alpha Oumar Konaré achevant son second et dernier mandat, l'Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma) lui cherche un successeur. L'absence d'un dauphin désigné par le chef de l'État sortant et la multiplication des candidats à l'investiture contraignent le parti à passer par l'épreuve des primaires. Diplomates et observateurs sont admiratifs. Ils louent cette première en Afrique, dissertent sur la fin annoncée du centralisme démocratique.
Côté opposition, on se gargarise et on se perd en conjectures sur l'implosion de la formation au pouvoir depuis dix ans. La direction de l'Adéma, qui ne fait pas cas des louanges ou des critiques, met en place la procédure et arrête la date du 2 novembre pour le dépôt des candidatures. À la date échue, quatre dossiers sont déposés sur le bureau de Diouncounda Traoré, président de l'Adéma : Mandé Sidibé, Premier ministre ; Soumaïla Cissé, ministre de l'Équipement ; Soumeylou Boubeye Maïga, son homologue des Forces armées ; et Ibrahim N'diaye, maire de Bamako. Une période de trente jours est accordée aux candidats pour sillonner le territoire et faire connaître leur projet aux militants des cinquante-cinq sections du Mali. Une campagne électorale avant l'heure. Les principes énoncés dans le code d'éthique interne du parti sont globalement respectés : pas d'affichage ni de publicité payante dans les médias, et encore moins d'enveloppes d'argent distribuées aux militants. Chaque candidat évite de s'en prendre à la personnalité ou à l'honneur de ses rivaux et s'en tient à la défense de son programme pour le mandat présidentiel.
La direction de l'Adéma arrête le calendrier : le premier tour des primaires est prévu pour le 2 décembre. Cinq mille grands électeurs, représentant toutes les régions du pays, et quelques délégués de la diaspora (éclatée sur vingt-trois pays) sont appelés à choisir deux candidats sur quatre. Les deux vainqueurs se présenteront alors le 6 janvier 2002 à Bamako, devant une convention composée de cinq représentants par section et des trente-cinq membres du Comité exécutif. C'est cette instance qui devra trancher entre les deux postulants, en fonction de leur profession de foi, de leur itinéraire dans le parti et de la qualité de leur CV.
Ce calendrier, savamment préparé, a failli être totalement remis en cause. Deux semaines après l'annonce des candidatures retenues par le secrétariat du parti, les inquiétudes ont commencé à saisir les cadres de l'Adéma. Et si les structures du mouvement cédaient sous le poids de l'épreuve des primaires ? Comment être sûr que les postulants se plieront au résultat de la convention ? Y a-t-il une alternative à cette procédure pour choisir le meilleur candidat ? Bref, le doute gagne les militants. C'est ce moment qu'a choisi le président Konaré pour entrer en scène. Pour éviter la discorde et préserver l'homogénéité du parti, le chef de l'État a demandé à ses camarades de chercher un compromis : s'entendre sur un candidat consensuel. Une Commission des sages est mise en place. Sa mission : convaincre les candidats de la nécessité du gel du processus afin de trouver un terrain d'entente pour éviter l'affrontement fratricide le 2 décembre. Trois des quatre candidats acceptent. Pas Soumaïla Cissé. Le ministre de l'Équipement rejette « par principe » l'arrêt d'un processus somme toute démocratique : « Les inquiétudes peuvent être légitimes, mais je ne vois pas d'alternative aux primaires. »
Pour Soumeylou Boubeye Maïga, qui a accepté le gel du processus, « la proposition méritait d'être étudiée, car nous donnions l'impression de violenter nos militants. Je n'ai vu aucun inconvénient à ce que nous fassions une pause pour nous concerter dans un cadre plus serein, et voir s'il n'y a pas une meilleure solution. Mais j'ai mis une condition à mon accord : que l'unanimité soit requise. » Autrement dit, on ne doit pas jeter la pierre à un candidat qui exige la poursuite du processus.
La proposition de la Commission des sages provoque la colère de Soumaïla Cissé qui persiste et signe : « Il n'y a pas d'alternative aux primaires. Seul le militant doit décider. Nous n'allons tout de même pas accepter que les directives viennent encore du sommet ! » Qui vise-t-il ? Le président Konaré, dont il a été le secrétaire général au Palais, à Koulouba ? « Personne en particulier, précise Cissé, mais on ne peut tenir de longs discours sur la démocratie en refusant de l'appliquer à son parti. » Le coup de gueule du ministre de l'Équipement porte ses fruits, puisque le 27 novembre le groupe parlementaire de l'Adéma tient une réunion extraordinaire au siège du parti. Les députés se sont prononcés pour le maintien des primaires. Mais, le groupe parlementaire n'étant pas un organe délibérant au sein des instances du parti, une réunion du bureau s'est tenue le lendemain. Décision : le premier tour est reporté du 2 au 9 décembre, et la date de la convention est maintenue au 6 janvier 2002.
Victoire de Cissé ? « Je ne le vis pas comme un succès personnel, répond-il, mais comme une évolution logique si l'on se place sur un terrain réellement démocratique. Je n'ai fait qu'insister sur l'application des principes mêmes du parti. Nous ne nous sommes pas battus hier pour bannir l'idée du candidat naturel [NDLR : épisode qui avait valu la démission d'Ibrahim Boubakar Kéita de la présidence de l'Adéma] pour nous voir imposer, aujourd'hui, un candidat dit de consensus. »
En attendant le verdict, trois des postulants continuent de se retrouver régulièrement en Conseil des ministres. L'ambiance gouvernementale pourrait-elle en pâtir ? « Détrompez-vous, assure Boubeye, le climat est des plus sereins. Nous sommes de vieux compagnons, et l'avènement des primaires n'altérera pas notre amitié. » Ce bel esprit vaudra-t-il au lendemain de la convention ? Les candidats défaits se mettront-il de bonne grâce au service du vainqueur ? « Sans aucun doute, précise Boubeye, car ils seront toujours au service du parti qui l'a investi. »

4 décembre 2001 - par CHERIF OUAZANI J.A.I.

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