DE L’UEMOA AU PALAIS DE KOULOUBA: les ambitions présidentielles de Soumaïla Cissé
A la faveur du deuxième congrès ordinaire de son parti l’Union pour la république et la démocratie (URD), Soumaïla Cissé, le président de la Commission de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine), a fait le week-end dernier, un retour remarqué sur les berges du fleuve Djoliba. Le fondateur du parti est allé renouer avec ce qui va lui servir de rampe de lancement pour la présidentielle de 2012. Il n’a jamais caché ses ambitions de diriger un jour le Mali, et une certaine opinion avait vu dans sa nomination au poste de président de la Commission de l'UEMOA, un gentleman agreement entre lui et le pouvoir en place afin de laisser la voie libre à ATT (Amadou Toumani Touré). Pour ceux qui croyaient en un éloignement, Soumaïla Cissé donne ainsi la preuve qu'ils se sont trompés sur son compte. En l'espace de quelques années, il a su faire de son parti né de la scission avec l’ADEMA la deuxième force politique du pays avec une moisson remarquable lors des derniers scrutins. Aux municipales de 2004, 1636 conseillers communaux, 15 conseillers nationaux, 104 maires. 25 députés aux législatives de juillet 2007.En réalité, l'esprit de Soumaïla Cissé a toujours été au Mali, et depuis Ouagadougou, il tire certaines ficelles. L'habileté avec laquelle il a su étouffer la guerre des chefs pour la présidence du parti URD témoigne de ce que l’actuel président de la Commission n’a jamais mis au placard son ambition de briguer la magistrature suprême. Il lui reste cependant à franchir un cap pour renforcer son assise : gagner les communales de 2009. Il se fraierait ainsi davantage la voie vers le palais de Koulouba. Car, en la matière, rien n’est gagné d’avance. Dès lors, on comprend le ton de son discours à Bamako le week-end dernier ; Cissé a joué au rassembleur et décidé de faire confiance au président sortant Younoussi Touré, avec lequel le parti a remporté des succès depuis 2002. Ce dernier est d’ailleurs un ancien cadre de l’UEMOA. La manière avec laquelle Soumaïla Cissé s'est donné toutes les chances et les moyens de réaliser son ambition, fait croire qu'il a quelque chose de commun avec le président français Nicolas Sarkozy qui a pris le risque d’annoncer les couleurs longtemps avant les échéances. En Occident, c’est une affaire tout à fait normale que d’afficher ses ambitions contre le grand manitou au pouvoir. Sous nos tropiques, si cela ne s'apparente pas à un crime de lèse-majesté qui vaut son pesant d’ennuis politiques et judiciaires, ce n'est pas loin d'être une provocation. Sous d’autres cieux encore, ce serait même risquer sa vie. Ce n'est pas le cas au Mali, et en cela, ce pays fait figure d'exception sur le continent. Quand bien même ils ont été adulés par le peuple, il n'est jamais venu à l'idée d'aucun chef d'Etat malien en fin de mandat de modifier la Constitution pour s'attribuer un mandat supplémentaire. Cela en rajoute à la spécificité du Mali. C’est que contrairement à certains pays africains, on a toujours eu ici affaire à une génération de politiciens vertueux, qui ont le sens de la parole donnée et qui ont une haute idée de la démocratie et du pouvoir d’Etat, depuis la chute de Moussa Traoré.Cela dit, cette sorte de gentleman agreement entre ATT, le président actuel du Mali, et Soumaïla Cissé va-t-il tenir jusqu’en 2012 ? Le premier ne peut plus se présenter, et il n'est pas exclu que la coalition dont fait partie l’URD se saborde à l’approche de la présidentielle. Malgré la relative bonne santé de son parti, Soumaïla Cissé aura sans doute besoin de soutiens politiques pour y arriver. D'autant que le vivier politique ne manque pas de candidats sérieux capables de l’ébranler. IBK (Ibrahim Boubacar Kéïta) ou Boubé Maïga sont, entre autres, des prétendants aux dents acérées. A plus de deux ans de l’échéance, la troisième alternance démocratique est en cours sur les bords du Djoliba. Une nouvelle race de politiciens va davantage faire oublier les années de plomb de l'ex-président Moussa Traoré. Il n’est pas exclu que ATT renvoie l’ascenseur à Soumaïla Cissé. Il se susurre que l’homme a dû refuser un poste juteux au FMI, seulement parce qu'il tenait à réaliser son dessein politique. Il en a certainement les capacités. Cet ingénieur de formation est à son deuxième mandat à la tête de la Commission de l’UEMOA où il a fait rapidement oublier la gestion contestée de son prédécesseur. Pour cela, le président de la Commission de l'UEMOA aura tenté de rapprocher la Commission des peuples de l’Union à travers des programmes de terrain dans le secteur de l’agriculture, de l’eau et des infrastructures. Avec ses ambitions présidentielles affichées, l’UEMOA devrait se préparer à se séparer de son président de Commission en 2012 si celui-ci réussissait effectivement son pari. Une autre alternance donc en perspective à la tête de l'UEMOA
(Le Pays 30/04/2008)
mercredi 30 avril 2008
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