La démocratie malienne est de nouveau en marche, et il faut s’en féliciter. Le pays vient de loin, de très loin et ce, grâce à des patriotes convaincus. En effet, avant même la publication des résultats provisoires du second tour de la présidentielle, Soumaïla Cissé avait rendu visite à son challenger, Ibrahim Boubacar Keïta, pour reconnaître sa défaite et le féliciter pour son élection à la magistrature suprême. Ce qui est suffisamment rare comme les larmes d’un chien sur un continent gagné par les fraudes électorales et où les lendemains de scrutins se transforment bien des fois en violentes contestations contre les résultats des urnes, voire en guerres civiles.
C’est là donc tout le mérite de l’ex- président de la Commission de l’UEMOA. Et à travers cette élégance républicaine teintée de sauce africaine qui confère tout de go au perdant une stature d’homme d’Etat, on est en droit de dire qu'IBK a gagné mais Soumaïla Cissé n’a pas perdu. Ce dernier a montré si besoin en était que le bateau battant pavillon Mali passe avant tout. Joueur fair-play, il l’a été, car ce technocrate doublé de fin politique ne s’est pas contenté de prendre son téléphone pour appeler IBK et le féliciter. Il s’est rendu personnellement au domicile de son challenger (de quatre ans son aîné) avec son épouse et ses enfants pour lui présenter ses félicitations. Ce qui n’est pas rien, car étant tout un symbole sous nos tropiques.
Après avoir pris connaissance du dépouillement des deux tiers des bulletins et avoir constaté que son rival arrivait très largement en tête, Soumaïla Cissé savait plus que quiconque que les carottes étaient cuites et qu’il ne pouvait aucunement rattraper son retard. Et pourtant que de peur que cette présidentielle ne se transformât en un flop organisationnel et ne dégénerât en conflits postélectoraux ingérables dans un Mali au creux de la vague !
En effet, compte tenu du délai relativement court consacré à l’organisation de ce scrutin, on s’attendait d’abord à une organisation approximative dans le meilleur des cas. On s’attendait ensuite à ce que les rebelles s’y invitent de la plus détestable des manières. Enfin il y avait la donne presque inévitable de conflits postélectoraux qui n’était pas à prendre à la légère. Rien de tout cela, sauf que le lundi 12 août dernier, au lendemain du scrutin, Gouagnon Coulibaly, le directeur de campagne de Soumaïla Cissé, avait jeté un pavé dans cette mare politique en portant une estocade au camp adverse par une dénonciation en règle de «fraudes massives» et «en accusant l’administration électorale de partialité».
Pourtant, en dehors des fortes pluies qui avaient perturbé le vote, notamment à Bamako, nombreux étaient les observateurs qui estimaient que le scrutin avait été limpide comme l’eau de roche et, mieux, que les jeux étaient déjà faits en faveur d’IBK.
Véritable métronome du landernau politique malien depuis deux décennies, le futur président malien aura la très lourde tâche de redresser et de réconcilier un pays traumatisé et affaibli par dix-huit mois d’une profonde crise politique et militaire, qui, on se souvient, avait débuté en janvier 2012 par une offensive de rebelles touareg dans le Nord ; un pays que le coup d’Etat militaire du 22 mars 2012 du capitaine Amadou Sanogo avait fini de précipiter dans l'abîme. C’est dire toute la complexité de l’équation qui attend IBK. Ses qualités d’homme d’Etat seront donc requises pour sortir l’ex-Soudan français de l’ornière, ce, d’autant plus que les attentes des populations sont pressantes.
Boureima Diallo
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