vendredi 30 mai 2014

RFI: Soumaïla Cissé, député malien et président de l’URD INVITE AFRIQUE

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Soumaïla Cissé, député malien et président de l’URD

Christophe Boisbouvier
Soumaïla Cissé, député malien et président de l’URD
Soumaïla Cissé lors d'une conférence de presse à Bamako, le 2 août 2013.REUTERS/Joe Penney

    « Après Kidal, des mesures de redressement devaient être prises », a dit en substance le Premier ministre malien, Moussa Mara, pour expliquer le départ du gouvernement du ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga. C’était hier sur RFI. Aujourd’hui, voici la réaction de l’opposition malienne. Le député Soumaïla Cissé préside l’Union pour la République et la démocratie (URD), qui compte 18 sièges à la Chambre. L’an dernier, il s’est qualifié pour le second tour de la présidentielle, avant d’être battu par Ibrahim Boubakar Keita. En ligne de Bamako, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

    « Après Kidal, des mesures de redressement devaient être prises », a dit en substance le Premier ministre malien, Moussa Mara, pour expliquer le départ du gouvernement du ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga. C’était hier sur RFI. Aujourd’hui, voici la réaction de l’opposition malienne. Le député Soumaïla Cissé préside l’Union pour la République et la démocratie (URD), qui compte 18 sièges à la Chambre. L’an dernier, il s’est qualifié pour le second tour de la présidentielle, avant d’être battu par Ibrahim Boubakar Keïta. En ligne de Bamako, il répond aux questions de Christophe Boisbouvier.

    RFI : Que pensez-vous du limogeage du ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga ?

    Soumaïla Cissé : Je voudrais d’abord savoir s’il a été limogé ou non. Le Premier ministre semble dire qu’il a été limogé, les rumeurs font croire qu’il a démissionné. Je pense que cela doit être éclairci. Pour l’histoire, Soumeylou Boubèye Maïga doit pouvoir s’expliquer pour que le peuple malien sache exactement ce qu’il s’est passé.

    Après les difficultés majeures à Kidal, des mesures de redressement doivent être prises, a expliqué le Premier ministre Moussa Mara ?

    Le Premier ministre parle de mesures de redressement, mais moi je voudrais dire qu’à mon avis, il faut d’abord tirer les leçons de ce qui s’est passé le 17 mai à Kidal. Le Premier ministre a manqué de sagesse parce que la Minusma, Serval et ses services lui ont demandés de ne pas partir à Kidal. Malheureusement, il a passé outre, il s’est entêté. La deuxième chose à mon avis est qu’il a manqué de discernement. Et là, dans ses discours, il fait un amalgame entre nos ennemis et nos amis.

    C’est-à-dire ?

    Il a beaucoup accusé la Minusma, il a beaucoup accusé Serval. Maintenant, il revient en arrière bien sûr. Il a pratiquement insinué que la Minusma et Serval ont aidé le MNLA [Mouvement national de libération de l'Azawad] à les attaquer, à Kidal, le 17 mai. Ensuite, il a manqué de lucidité. On ne déclare pas la guerre à Gao de façon inconstitutionnelle. Le Premier ministre ne peut pas déclarer la guerre. Il devait attendre au moins d’aller vers Bamako, d’en rendre compte au président de la République. De façon constitutionnelle, le Premier ministre ne peut pas déclarer la guerre. Le quatrième point qui est important pour moi, est qu’il a manqué de sens de la responsabilité. Le Premier ministre aurait dû reconnaître ses fautes. Vous savez, les conséquences sont très graves. Des membres de l’administration, des préfets, des sous-préfets ont été tués. Une centaine de soldats, au moins officiellement, sont morts, ce qui fait une trentaine de veuves, des centaines d’orphelins, surtout un peuple humilié. Il y a un dicton chez nous qui dit : « Le jour de la mort de votre ami, vous ne mourrez certainement pas, mais le jour où il est humilié, vous êtes humilié. » Au Mali, ce sentiment d’humiliation, on le retrouve dans toutes les couches de la population et je vous assure que beaucoup de Maliens ont affirmé que dans la nuit du mercredi 21, ils n’ont tout simplement pas dormi. Donc c’est très important, les conséquences sont très graves. Et le Premier ministre aurait dû prendre ses responsabilités, reconnaître ses fautes et tirer les conséquences en démissionnant. Je crois que cela aurait rendu au Président la tâche beaucoup plus facile pour prendre des initiatives et pouvoir avancer.

    Moussa Mara, le Premier ministre, réplique que le 17 mai il était tout à fait en droit de se rendre à Kidal puisque cette ville est partie intégrante du territoire malien ?

    Bien sûr qu’il a le droit. Aujourd’hui aussi il a le droit de se rendre à Kidal. Pourquoi aujourd’hui ne s’y rend-il pas pour se recueillir sur la tombe des disparus ? Il devrait le faire. Les familles seraient heureuses aujourd’hui de voir le Premier ministre se recueillir sur la tombe des disparus à Kidal.

    Vous demandez son départ mais le Premier ministre précise qu’il a la confiance du chef de l’Etat et d’une très large majorité de Maliens ?

    Les Maliens ont élu un président de la République, ils n’ont pas élu le Premier ministre. Qu’il ait la confiance du président, soit. Mais je crois que le Premier ministre aurait dû démissionner quitte à ce que le chef de l’Etat renouvelle sa confiance. Il dit dans sa dernière interview sur vos ondes que ce n’est pas grave qui a donné les ordres. Si l’armée n’est pas contrôlée par le chef suprême des Armées, n’est pas contrôlée par le Premier ministre, n’est pas contrôlée par le ministre de la Défense, quid alors des prochaines opérations ? Je crois qu’au contraire, c’est très grave. On ne peut pas avoir tant de morts, tant d’humiliation et considérer que ce n’est pas grave et ne faire qu’avancer.

    Alors le ministre de la Communication, Mahamadou Camara, précise que le 21 mai, lors de l’offensive ratée de l’armée malienne sur Kidal, ce n’est pas le président Ibrahim Boubacar Keïta qui a donné l’ordre à l’armée d’attaquer les positions des groupes armés ?

    S’il le dit, c’est qu’il sait qui a donné l’ordre. Ce que nous attendons, c’est qu’il nous dise qui est responsable de tant de morts, de tant de souffrances et de tant d’humiliation.

    Vous demandez le départ du Premier ministre, mais vous êtes minoritaires à l’Assemblée nationale. Qu’est-ce que vous pouvez faire ?

    Mais je dis souvent que la minorité n’a pas toujours tort. Et je crois que, le 17 mai, on avait dit au Premier ministre qu’il n’avait pas bien préparé sa visite. Trois jours après, on s’est rendu compte qu’on avait raison.

    L’an dernier, vous avez été battu au second tour par IBK. Si vous aviez été élu à sa place, qu’est-ce que vous auriez fait de mieux sur le dossier du Nord du Mali ?

    D’abord, j’aurais respecté les accords de Ouagadougou qui me disaient de négocier à partir des deux premiers mois, 60 jours. Nous avons attendu 8 mois avant de négocier. Je crois que ça a été une perte de temps terrible et qui a été préjudiciable en vies humaines, dans nos amitiés, dans la force de notre diplomatie et qui a abouti aujourd’hui à une démoralisation non seulement des armées, mais aussi du peuple malien.

    Après le cessez-le-feu de la semaine dernière, de nouvelles négociations doivent s’ouvrir. Est-ce que vous y croyez ?

    Ces négociations sont devenues contraintes et forcées, malheureusement. On aurait pu négocier dans de meilleures conditions. Le cessez-le-feu a été signé dans les conditions que vous savez, qui ne sont pas toujours à notre honneur. Aujourd’hui, les négociations vont débuter forcément et je crois que la communauté internationale elle-même veille. Les Maliens sont convaincus aujourd’hui que l’une des solutions et sinon la seule solution, est de négocier. J’ose croire et j’ose espérer que les négociations aboutiront.

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