lundi 12 mai 2008

3 Questions à Soumaila Cissé

Jeune Afrique : Ce n’est pas la première fois que des difficultés agricoles et alimentaires se font sentir en Afrique. Pourquoi attendre de se trouver au pied du mur pour traiter le mal à la racine ?

Soumaïla Cissé : Nous n’avons pas attendu les émeutes de la faim pour nous pencher sur ce problème, qui résulte en grande partie des politiques de libéralisation imposées par les bailleurs de fonds dans la décennie 1990. Simplement, les mesures que nous avons déjà prises n’étaient prévues que pour endiguer des crises raisonnables. Aujourd’hui, il s’agit d’une rupture plus complexe, qui ne concerne pas seulement les pays africains, et pas seulement le secteur agricole. Personne n’a pu prédire par exemple que les cours du pétrole allaient passer de 25 à 120 dollars !
N’y a-t-il que les plans d’ajustement structurel pour expliquer les difficultés actuelles de l’agriculture africaine ?
Ils ont pourtant joué un rôle déterminant ! Même les institutions qui les ont fait appliquer reconnaissent aujourd’hui que les investissements ont, alors, totalement déserté le secteur agricole. Toutefois, il est vrai que chacun a une part de responsabilité. Pendant longtemps, les États africains n’ont, eux, consacré qu’une part limitée de leur budget à l’agriculture, parce qu’ils avaient fait des secteurs de l’éducation et de la santé leur priorité.

Le 23 avril, un conseil extraordinaire des ministres des Finances et de l’Intégration régionale de la zone UEMOA s’est déroulé à Abidjan. Quelles décisions ont été prises ?
Dans un premier temps, il était nécessaire d’arrêter la saignée et de permettre aux gens de manger. Les émeutes sont d’autant plus graves qu’elles coûtent cher aux États. Toutefois, nous n’en sommes pas restés là. Nous avons commencé à réfléchir, aussi, à une réorientation complète des priorités et des budgets dans la durée. Mais une telle réorganisation requiert du temps et de l’argent. Il faut notamment maîtriser les politiques de l’eau et les approvisionnements en intrants, construire des routes, organiser des filières agro-industrielles et faire évoluer les habitudes de consommation des populations. Les gens ne sont pas des machines, on ne peut pas les obliger à revenir à la consommation de produits locaux du jour au lendemain !

27 avril 2008 - par PROPOS RECUEILLIS PAR JEAN-BAPTISTE MAROT, ENVOYÉ SPÉCIAL À OUAGADOUGOU

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