Le Continent noir peut décoller, assure le Malien Soumaïla Cissé. À condition que l'Europe abaisse ses barrières douanières et investisse.
Le démocrate libéral malien Soumaïla Cissé : «N’ayez pas peur d’investir en Afrique ! Si ce ne sont pas les Européens ou les Français, ce sont les Américains ou les Chinois qui le feront. » : Vincent Mouchel
Entretien:
Que répondez-vous à ceux qui ne croient plus au développement de l'Afrique ?Selon les statistiques, avec deux dollars par jour en moyenne pour vivre, nous devrions tous être morts ! Or, l'Afrique est bien vivante et ne demande qu'à entrer dans le commerce mondial. Il existe chez nous une économie informelle, populaire, très réelle, qui représente 70 % de l'activité globale. Il faut arrêter de considérer l'Afrique uniquement sous l'angle de la pauvreté et de l'agriculture. Nous avons un devoir de génération. L'État doit mettre en place les moyens du développement, mais ne doit pas se mêler de tout.
Comment entendez-vous lutter contre l'émigration clandestine des jeunes Africains vers l'Europe ? Les Européens et le Fonds monétaire international nous disent : « Baissez vos frontières, libéralisez vos économies mais, surtout, ne laissez pas partir vos hommes ! » Je leur réponds : « Si vous prenez nos médecins, prenez aussi nos malades ! » Commencez par laisser entrer nos produits et arrêtez de protéger votre agriculture. Le développement économique fixe les populations. Si nos jeunes trouvent du travail, ils resteront chez eux. S'ils n'ont pas les cartes en main, ils prendront des cailloux ou ils partiront. Les murs et les barrières ne suffiront pas à les arrêter. L'Europe doit cesser de se donner bonne conscience en Afrique. Elle doit y investir massivement, comme elle l'a fait en Europe orientale. Sinon, nos pays deviendront de vrais souks : on y achètera et on y vendra, mais on n'y produira rien.
Quels sont les domaines prioritaires où il faut investir chez vous ? Notre programme de développement économique régional prévoit de moderniser les infrastructures, d'améliorer l'exploitation des ressources naturelles et agricoles, l'éducation et la santé, de garantir la sécurité alimentaire et la fourniture d'énergie. Un exemple : entre Bamako et Abidjan, où circulent près de 500 camions par jour, il manque 200 km de route bitumée, soit 8 milliards de francs CFA (12 millions d'euros). Nous voulons aussi construire un grand hôpital privé de référence dans la zone, pour éviter les évacuations d'urgence vers l'Europe. Nous voulons faire de l'UEMOA un ensemble cohérent, en levant les entraves entre nos pays pour attirer des investisseurs. Il y a de la place pour de grands espaces capitalistiques. N'ayez pas peur d'investir en Afrique ! Dans tous les domaines. Nous devons d'abord créer de la richesse pour créer de l'espoir. C'est plus sain que les anciens rapports de coopération qui n'ont jamais amélioré la situation des plus pauvres.
Recueilli parPhilippe GAILLARD mercredi 13 février 2008 .
(1) La Côte d'Ivoire, le Sénégal, le Burkina Faso, le Mali, le Bénin, le Togo et le Niger francophones, la Guinée Bissau lusophone.
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