Un politique de haut niveau, la tête bien pleine, avec qui il faudra compter pour le futur
L'actuel président de la Commission de l'Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa*) est un homme politique malien qui fera sûrement encore parler de lui dans son pays natal, une fois quittées ses responsabilités internationales qui le mobilisent à Ouagadougou où siège l'Uemoa. Question "bagages intellectuels", Soumaïla Cissé n'en manque pas. Bachelier "S" en 1968, il part poursuivre ses études à l'université de Dakar d'où il sort en 1972 avec le diplôme universitaire d'Etudes scientifiques. Puis, parcours obligé pour tout étudiant africain dans les années 70, c'est le départ pour la France.A Grenoble d'abord, où il obtient en 1974 une licence de mathématiques appliquées. En 1976, à Montpellier cette fois, où il obtient une Maîtrise des méthodes informatiques appliquées à
la gestion (MIAGE) et sort major de sa promotion.En 1977, toujours à Montpellier, où il décroche mais cette fois à l'Institut des sciences de l'informatique le diplôme d'Ingénieur en informatique et en gestion.En 1981, à Paris enfin, à l'Institut d'administration des entreprises, une des plus solides et réputées écoles de formation en management de France, où il obtient le Certificat d'aptitude d'administration des entreprises de Paris. La tête est bien pleine. L'homme peut partir sur le terrain.De 1975 à 1977, il enchaîne des stages dans des poids lourds : Electricité de France (EDF) et IBM. Puis démarre sa vie professionnelle, toujours en France : il est d'abord de 1978 à 1980 analyste-programmeur chez Cebal, une filiale du groupe Pechiney, puis de 1980 à 1982, analyste chez Answar, filiale du groupe Thomson et enfin, de 1982 à 1984, analyste et chef de projet dans la compagnie aérienne Air-Inter.
Le retour au pays
1984, c'est le retour au Mali pour travailler à la Compagnie malienne pour le développement du textile (CMDT) qui chapeaute tout le secteur cotonnier. Il y sera coordinateur des projets Mali-Sud, puis de 1986 à 1990, directeur des programmes et contrôle de gestion.
En 1990, il passe chef de la cellule "Organisation et méthode informatiques".Il termine son parcours dans ce pilier de l'économie malienne en assurant l'intérim de la direction de générale en 1991.
1992, il est le premier Directeur de l'Agence de cessions immobilières (ACI), une société anonyme d’économie mixte, crée par l'Etat malien, pour faciliter l’accès à l’habitat. Un bon palier avant, justement, d'embrasser une carrière de grand commis de l'Etat, aux plus hautes fonctions. Il est Secrétaire général de la présidence (sous Alpha Konaré) de 1992 à 1993. Puis ministre des Finances (1993-1994), poste auquel s'ajoute la responsabilité du Commerce (1994-1997). Reconduit ministre des Finances de 1997 à 2000 et enfin ministre de l'Equipement et de l'Aménagement du territoire, de l'Environnement et de l'Urbanisme, de février 2000 jusqu'à sa candidature à l'élection présidentielle de 2002.Une brillantissime carrière, mais qui ne sera pas suffisante pour contrer le raz-de-marée qui portera à la présidence le général Amadou Toumani Touré, d'autant que Soumaïla Cissé n'aura pas été aidé par son parti, l'ADEMA- PASJ, dans sa tentative de conquête de la présidence.D'abord le président sortant lui-même, Alpha Konaré, qui bien que fondateur de l'ADEMA qui était au pouvoir, déclarait à qui voulait l'entendre qu'il n'avait pas de candidat préféré. En clair : "je ne soutiens pas le candidat de mon parti qu'est Soumaïla Cissé".Ensuite au sein même de l'Adema. Ce parti s'est déchiré pour choisir son candidat à cette présidentielle de 2002, avec des primaires mortelles et des candidats frondeurs. Malgré tout, Soumaïla Cissé est arrivé en seconde position au soir du premier tour de scrutin avec 21,32 % des suffrages contre 28,71 % pour Amadou Toumani Touré qui sera finalement élu au deuxième, fort de l'appui de la plupart des battus du premier tour.
Les leçons d'un échec Mais cette présidentielle de 2002 a permis à Soumaïla Cissé de poser des jalons pour le futur. D'abord, il a obtenu un score fort honorable au premier tour de la présidentielle, alors qu'il y avait pas moins de 24 candidats en lice dont plusieurs qui se réclamaient de son propre parti l'Adema.Ensuite, il en tire des conclusions. L'Adema est en ruine, divisée, écartelée, faute d'un leader qui saurait rassembler. Ce parti a déjà subi plusieurs érosions, dont la plus grave aura été la création par l'ancien Premier ministre, Ibrahim Boubacar Keita (IBK), en 2001, du RPM (Rassemblement pour le Mali). IBK a emmené derrière lui bon nombre de députés de l'Adema, et même si lui aussi est battu à cette présidentielle de 2002, aux législatives qui suivent, en juillet, son parti et une coalition dénommée Espoir 2002 raflent pas moins de 66 députés, face à une autre coalition dénommée l’Alliance pour la République et la Démocratie (ARD), coalition qui a pour chef de file l’ADEMA.Pour Soumaïla Cissé, la situation est claire : peu d'avenir au sein de l'Adema, qui, bien qu'étant pour les Maliens un parti mythique et libérateur, semble s'étioler d'élections en élections. Et comme l'homme a la politique dans le sang, il n'attend pas plus d'un an pour créer son propre parti le 1er juin 2003, l’Union pour la république et la démocratie (URD).Comme IBK en 2001, Soumaïla Cissé emmène derrière lui bon nombre de cadres de l'Adema.Un mois après sa création, 17 députés rejoignent le nouveau groupe parlementaire de l'URD : quinze viennent de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adema), un vient du RPM d'IBK et un autre de l’Union pour la démocratie et le développement (UDD), de Moussa Balla Coulibaly. Soumaïla Cissé n'est pas président de l'URD en raison de son statut de fonctionnaire international à l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), où il occupe à l'époque le poste de Commissaire du Mali. Il a fait élire à la tête de son nouveau parti, Younoussi Touré, un ancien Premier ministre, originaire comme lui de la région de Tombouctou. Dans un de ses premiers discours, Younoussi Touré réaffirme le soutien de l’URD à la laïcité de l’Etat, et évoque "un Mali fort, uni du nord au sud, de l’est à l’ouest, un Mali solidaire où les inégalités se réduiront de plus en plus, un Mali actif et productif où on n’attendra plus les aides extérieures". On l'aura compris : si Soumaïla Cissé crée l'URD, ce n'est pas pour faire de la figuration. Que peut-il viser, lui qui a tout été ? La présidence bien sûr. Mais il connaît son pays et sait bien que lorsque le général Amadou Toumani Touré se présentera une seconde fois devant les électeurs en 2007, après un premier mandat de cinq ans, personne ne pourra le battre. Sagement, Soumaïla Cissé ne prendra pas le risque d'affronter ATT et ne se présentera pas à cette présidentielle. Son heure sera pour plus tard, en 2012, quand l'actuel président ATT ne pourra plus être candidat à sa succession en raison de la constitution malienne qui interdit plus de deux mandats consécutifs au président de la République.
Une stratégie payante Ce refus d'affronter le pouvoir en place est payant. Pendant la législature 2002-2007, Soumaïla Cissé place son parti dans la mouvance présidentielle, suivant en cela les pas de l'Adema qui en a fait de même. Quand arrivent les échéances de 2007, la présidentielle en avril et les législatives en juillet, la configuration politique a changé par rapport à 2002. Globalement, on retrouve une vaste coalition de pas moins de 43 partis dénommée l'Alliance pour la démocratie et le progrès (ADP), et qui soutient le président ATT et se réclame de la majorité présidentielle.En face, une autre coalition, le Front pour la démocratie et la République (FDR), avec comme chef de file, le RPM d'IBK, et qui se réclame de l'opposition. L'URD, le parti de Soumaïla Cissé est dans l'ADP. Une stratégie payante, à la fois pour l'URD mais encore pour l'Adema qui en est aussi. Résultats, aux législatives du 1er juillet 2007, l’ADEMA redevient la première force politique du Mali avec 51 députés, et l’URD de Soumaïla Cissé la deuxième avec pas moins de 34 députés. Chapeau l'artiste qui a fait de son parti en à peine quatre ans le deuxième parti du pays en termes de députés. Ces législatives de 2007 ont par la même occasion consacré le déclin du RPM d'IBK qui n'a obtenu que 11 députés. Younoussi Touré, le président de l'URD, s'est offert le luxe de se faire élire dès le premier tour, dans la circonscription électorale de Niafunké, dans la région de Tombouctou Au vu de ces péripéties électorales, on aura compris que Soumaïla Cissé est en bonne posture pour les échéances à venir, c'est-à-dire pour celles de 2012, d'autant qu'aucune personnalité n'a encore réussi à souder derrière elle toutes les composantes de l'Adema. Pour l'heure, le président de la Commission de l'UEMOA prend bien soin de ne pas interférer dans les joutes politiques internes au Mali et se consacre exclusivement au développement de la sous-région. Et il ne manque pas de travail, tant les chantiers de l'UEMOA sont grands : intégration sous-régionale, lutte contre la pauvreté, développement des échanges, des moyens de communication, harmonie des politiques budgétaires et fiscales, convergences des politiques communes en matière d'agriculture, d'infrastructures, libre circulation des personnes et des biens des huit pays membres de l’Union.Mais l'homme a toujours un regard sur son pays comme en témoigne son discours prononcé le 14 août 2004 à la cérémonie de sortie de la promotion "Soumaïla Cissé" de la Faculté des Sciences juridiques et Economiques de l'Université de Bamako (FJSE) :
"Kennedy disait que plutôt que de demander "Qu'est-ce qu'a fait mon pays pour moi", demandez-vous "Qu'est-ce que j'ai fait pour mon pays ?"Vous devez avec abnégation servir le Mali et l'AfriqueServir, c'est offrir son tempsServir, c'est donner de l'espoirServir, c'est honorer sa paroleServir, c'est ne rien attendre en retour".
Si ce n'est pas un discours "politique" ça, cela en a tout l'air.
Soumaïla Cissé en 9 dates
20 décembre 1949 : naissance à Tombouctou, au Mali.
27 juillet 1978 : mariage avec Assitan Traoré. Le couple aura quatre enfants.
7 août 1990 : signataire, comme Alpha Konaré et d'autres démocrates d'une "lettre Ouverte au Président de la République", un appel à la démocratisation du pays et à l'instauration du multipartisme, publié dans le bimensuel indépendant Les Échos.
26 mai 1991 : membre fondateur de l'ADEMA
Novembre 2000 : élu 3e vice-Président de l'Adema qui tient son 4e congrès en session extraordinaire après la démission un mois plus tôt d'Ibrahim B. Kéita de la présidence du parti.
28 avril 2002 : candidat sous les couleurs de l'Adema à l'élection présidentielle. Il arrive en seconde position, derrière Amadou Toumani Touré, avec 333.525 voix (21,32 % des suffrages)
1er juin 2003 : création de son parti, l’Union pour la république et la démocratie (URD), mais il n'en est pas le président, étant commissaire à l'UEMOA, représentant le Mali.
20 février 2004 : Président de la Commission de l'UEMOA, à Ouagadougou. Il avait été nommé à ce poste lors du sommet des chefs d'Etat de l'Union qui se tient traditionnellement chaque année en janvier.
1er juillet 2007 : élections législatives. Son parti, l’URD, devient la seconde force politique du pays, derrière l'Adema, avec 34 députés
* L'UEMOA a été créée par un Traité signé à Dakar le 10 janvier 1994 par les chefs d’Etat et de gouvernement de sept pays de l’Afrique de l’Ouest ayant en commun l’usage d’une monnaie commune, le Franc CFA (Franc de la communauté financière d'Afrique). Ces pays étaient : le Bénin, le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo. Le Traité est entré en vigueur le 1er août 1994, après sa ratification par les États membres.Le 2 mai 1997, la Guinée-Bissau est devenue le 8e État membre de l’Union.L’UEMOA est représentée par un logo symbolisant la croissance, l’union, la solidarité et la complémentarité entre les Etats côtiers et les Etats sahéliens.
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1 commentaire:
Belle tête, bien faite et bien pleine qu'il faut au Mali. Courage
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