Continental Mag - Soumaïla Cissé : "Renforcer notre crédibilité et l'adhésion des populations" - mars 08 - n°70
Élu il y a cinq ans par les chefs d’État à la tête de la Commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa), le Malien Soumaïla Cissé dresse un bilan d’étape des politiques d’intégration régionale. Il expose les objectifs à moyen terme et ses réflexions sur «un combat permanent au service de l’Union».
Continental : Comment définissezvous la situation actuelle de l’Uemoa ?
Soumaïla Cissé : L’Union se porte bien et aurait pu se porter mieux. Sans les effets de facteurs exogènes comme le coût de l’énergie, notre taux de croissance aurait été plus élevé. La flambée continue des cours du pétrole est une question très préoccupante pour nous. Comme motifs de satisfaction, il faut signaler que la sous-région a connu l’an dernier de nombreuses élections, présidentielles et législatives, qui se sont déroulées dans un climat apaisé. En effet, l’intégration a besoin d’un environnement de paix, de sérénité. Les intérims ont pris fin à la BCEAO et à la BOAD (respectivement Banque centrale des États d’Afrique de l’Ouest et Banque ouest-africaine de développement, ndlr), lors du XIIe sommet des chefs d’État, qui a eu lieu en janvier dernier à Ouagadougou, au Burkina Faso.
Quels sont les projets à court et moyen termes et quelle est la position des chefs d’État à cet égard ?
L’Uemoa est née d’une volonté politique, celle de réussir l’intégration, et je peux vous rassurer que cette volonté politique est totale et sans réserve. Nos priorités : faciliter davantage la libre circulation des personnes, des biens et des services, assurer le droit d’établissement… Dans notre sous-région, on circule relativement en toute liberté. Mais nous voulons aller plus loin en ce qui concerne l’intégration. Il me paraît essentiel, par exemple, d’offrir un traitement égal aux jeunes de l’Union au niveau de l’enseignement supérieur dans l’ensemble de l’espace communautaire. Il en est de même des professions libérales. Les projets sont nombreux et variés et tous convergent vers le même idéal: celui de faire de l’Uemoa un ensemble qui compte.
Dans les discussions des Accords de partenariat économique (APE), la Côte d’Ivoire a signé un accord intérimaire avec l’Union européenne. Cela ne vous pose-t-il pas un problème à l’Uemoa ?
La Côte d’Ivoire n’a pas encore signé. Seul un paraphe de document est intervenu le 7 décembre 2007 entre les autorités ivoiriennes et la Commission européenne. Au terme du texte paraphé, les deux parties se sont accordées au moins six mois pour parvenir à la signature de l’accord intérimaire. Ce paraphe du document portant accord intérimaire permet à la Côte d’Ivoire d’éviter une perturbation de son commerce avec l’Union européenne, avec l’expiration du régime commercial transitoire de l’Accord de Cotonou le 31 décembre 2007. La perte de parts de marché annoncée pour la Côte d’Ivoire, en l’absence de cette solution, est évaluée à 700 millions d’euros sur des produits exportés par ce pays, tels que la banane, l’ananas, le cacao, le café et le thon. L’existence de cet accord d’étape devrait également empêcher la hausse annoncée du coût du fret pour les produits importés ou exportés par l’ensemble des pays de la région et tout particulièrement par les États membres de l’Uemoa, dans le cas où la Côte d’Ivoire aurait perdu ses parts de marché en Europe.
L’Union avait lancé, pour la période 2004-2008, un ambitieux Programme économique régional pour dynamiser l’intégration. Où en est ce chantier actuellement ?
Le Programme économique régional (PER), notre plus grand chantier, est en marche, chiffré à 851,553 milliards de francs CFA. Des ressources substantielles ont déjà été mobilisées à hauteur de 175 milliards de francs CFA qui ont permis le démarrage de trente-quatre projets en 2007, dix-sept autres commenceront en 2008. Parmi les projets en cours de concrétisation figurent le programme régional de réformes des marchés publics, le projet de rénovation de l’Indice harmonisé des prix à la consommation, le projet régional d’appui à la micro-finance, la réhabilitation de douze projets routiers communautaires, l’interconnexion des réseaux téléphoniques en fibres optiques, ou encore le programme de restructuration et de mise à niveau des entreprises, le programme d’hydraulique villageoise à travers la réalisation de 3 000 forages dont les travaux ont déjà démarré dans sept pays de l’Union. On peut également citer le programme d’appui à douze centres d’excellence.
Les objectifs pour 2008 ?
Parvenir à absorber rapidement toute l’offre de financement disponible. Surtout dans les domaines des infrastructures et de l’énergie. Je citerai, à titre d’exemple, certains des secteurs concernés: la construction de routes, la facilitation de la circulation des personnes et des biens à travers la suppression totale des barrières non tarifaires sur nos axes routiers, l’amélioration des transports aériens, l’interconnexion des réseaux électriques, l’amélioration des moyens d’approvisionnement en produits pétroliers, etc. Sur le plan de la sécurité alimentaire, en collaboration avec la FAO, nous envisageons l’aménagement et la mise en valeur de 5000 hectares à l’Office du Niger. Ce sont de telles actions de proximité qui assurent l’adhésion des populations et renforcent la crédibilité de l’Union. Le PER est donc notre grand chantier qui nous permet de répondre aux attentes des populations.
Quel bilan faites-vous de vos cinq années à la tête de la Commission de l’Uemoa ?
Un combat permanent au service de l’Union avec, bien sûr, ses points forts et ses réserves. Au cours de ces cinq années, avec mes collègues membres de la Commission et l’ensemble du personnel des organes et institutions de l’Union, nous avons parachevé l’architecture institutionnelle prévue par le Traité. Aujourd’hui, tous les organes sont en place, excepté le Parlement de l’Union. Le Comité interparlementaire (CIP-Uemoa) joue, pour le moment, parfaitement bien ce rôle. Pour un meilleur fonctionnement et une performance accrue de nos actions, la Commission a connu de profonds changements : réorganisation structurelle, informatisation, formation des ressources humaines… En cinq ans, la Commission a réussi à passer du stade des intentions à la phase opérationnelle de nos programmes. Aujourd’hui, on peut dire qu’au sein de l’Uemoa l’intégration est véritablement en marche. Je me consacre totalement à cette noble cause: la réalisation du grand chantier communautaire au profit de nos populations. Pour y parvenir, la confiance des chefs d’État des huit pays et l’espérance de nos populations sont mes deux viatiques. Je dois les assumer et les mériter pleinement.
Propos recueillis par Alexis Kalambry correspondant au Mali
mercredi 25 juin 2008
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