Soumaïla Cissé répond sur les questions du moment au Mali, l’insécurité à Bamako ou l’accord d’Alger……. | L'Afrique Adulte
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L’opposition a désormais un statut au Mali. Soumaïla Cissé, le président de l’Union pour la République et la démocratie (URD), candidat malheureux à la présidentielle de 2013 est désormais le chef de l’opposition bénéficiant d’un statut particulier avec rang de ministre. De passage à Paris Soumaïla Cissé répond à RFI sur les questions du moment au Mali, l’insécurité à Bamako ou l’accord d’Alger, toujours pas paraphé par la coordination de l’Azawad. Soumaïla Cissé est interrogé par Christine Muratet.
RFI : Que va changer le nouveau statut de l’opposition au Mali dans la vie démocratique du pays ?
Soumaïla Cissé : Ce qui est important pour une démocratie, c’est de bien asseoir les contre-pouvoirs. Aujourd’hui chacun se dit qu’il faudrait pouvoir expliquer les dérives qui peuvent exister dans notre pays. Bien avant ce statut, nous avons eu à prendre notre courage à deux mains, à dénoncer les programmes de mauvaise gouvernance, à dénoncer les mauvaises décisions prises parfois par le gouvernement, et la population a été bien éclairée et a bien apprécié cela. Un pays, pour que sa démocratie soit vivace, a besoin d’une opposition forte, une opposition responsable. Et on doit montrer qu’on est républicain, qu’on accepte la démocratie et le fait majoritaire.
L’opposition s’est récemment exprimée sur l’épineux dossier du Nord. L’opposition a publié un rapport très critique sur l’accord d’Alger. Vous estimez notamment que cet accord n’est pas bon pour le Mali, pire qu’il contient « les germes d’une désintégration rampante du pays ». C’est pour être au diapason avec la rue que vous dites cela ?
Non, nous avons analysé froidement ce qui est sorti du document. Ce que nous avions souhaité, c’est de pouvoir participer à cette discussion bien avant les négociations d’Alger. Malheureusement nous n’avons pas été écoutés. Aujourd’hui je pense que si cela avait été fait, les explications auraient été meilleures. Négocier en tenant compte des aspirations des Maliens, en tout cas à travers ses représentants, je crois qu’on aurait avancé.
Nous avons dit qu’il y a quand même des dérives et des choses difficiles à accepter. Nous avons dit que le calendrier est très serré, qu’il y a beaucoup d’engagements sur les dates et que si les dates ne sont pas tenues, il est évident que l’une ou l’autre partie pourrait dire «
écoutez, vous n’avez pas respecté vos engagements », et la confiance qui est déjà très faible va s’étioler. Nous avons dit que la notion de l’Azawad pose problème. Considérer que l’Azawad est une entité mémorielle, historique, pour nous, ça cache quelque chose. Et les dernières revendications, la coordination le prouve. Ça, ce sont des risques énormes de division du pays.
Il fallait bien faire des concessions puisqu’on était dans une situation de négociations ?
Oui bien sûr. Il faut faire des concessions, mais si vous faites des concessions qui deviennent des compromissions, il est évident que demain vous allez le payer très cher.
On est dans une impasse aujourd’hui. Pensez-vous que le Mali va pouvoir faire l’économie d’une réouverture des discussions avec ces groupes du Nord pour pouvoir appliquer cet accord ?
C’est le chef de l’Etat qui est interpellé, c’est le garant de la Constitution, c’est la garant de l’unité nationale, de l’intégrité du pays, de la laïcité du pays. Il doit prendre une initiative. Bien sûr, si on arrive à faire signer les mouvements, il y a déjà une base de départ sur laquelle on peut commencer à travailler.
Il faut que les deux parties se rencontrent directement, ce qui a peut-être manqué à Alger ?
Je pense que oui parce que la médiation, c’est bien, mais la mise en œuvre dépend des deux parties. Et ces deux parties doivent se mettre d’accord sur les lignes qui sont écrites. Est-ce que nous interprétons les choses de la même façon ? On peut arriver à un moment donné à ce que les textes soient presque lus ensemble pour être sûrs que les interprétations ne vont pas nous créer d’autres problèmes.
Bamako a récemment, le 7 mars, connu un attentat causant la mort de cinq personnes, l’attaque du bar-restaurant La Terrasse par trois terroristes venus du nord du Mali, tuant deux Européens, un Français et un Belge, et trois Maliens. Le Mali a-t-il franchi une nouvelle étape dans l’insécurité avec cet attentat ?
Il fallait s’y attendre un peu. Avant même l’attentat, nous avons écrit au gouvernement pour dire «
attention il y a des cellules dormantes », et l’attentat de La Terrasse, n’a fait que révéler cela. Les mesures sécuritaires idoines ont été largement insuffisantes pour faire face à la situation. Et même après l’attentat de La Terrasse, on n’a pas senti une grande mobilisation à ce niveau […]. Et il appartient au président d’affirmer un leadership et ce leadership passe par une adresse à la nation, par un travail avec les forces vives de la nation.
Vous trouvez que le président est trop absent ?
Je pense qu’il est très absent. Nous ne l’entendons pas, nous ne voyons pas les actions qu’il mène. Et le résultat est loin d’être là.
C’est valable aussi sur la lutte contre la corruption ?
Oui, c’est de notoriété publique aujourd’hui. Nous avons eu à parler de la mauvaise gouvernance, nous avons déposé des motions de censure, il a fini lui-même par nous donner raison en limogeant des membres du gouvernement qui sont concernés. Mais ça s’est arrêté là. Les Maliens ont besoin d’être rassurés sur ce dossier aussi et ça tarde à venir.
Depuis l’arrivée du président Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) au pouvoir, la vie démocratique au Mali se porte-t-elle mieux ?
Ce qui manque le plus, c’est le dialogue. Le président n’affirme pas un leadership qui permet de donner le sentiment d’avancer réellement. Aujourd’hui c’est le stade de la construction, c’est le stade de la réaffirmation d’un Etat qui s’est beaucoup affaibli ces dernières années. Et ça nécessite que le contre-pouvoir fonctionne, que le gouvernement et la majorité soient à l’écoute de ce qu’on dit. Quand on dit qu’il y a corruption et que les faits sont avérés, il faut prendre les décisions. Il ne faut pas que l’impunité s’installe.
La vie démocratique à mon avis manque encore de force. Elle mérite d’être mieux suivie, mieux appréciée et que chacun se sente concerné. Le fait de s’exprimer dans un pays, par des gens responsables, ne peut que faire avancer les choses.
par Rfi