vendredi 28 octobre 2011

Soumaïla Cissé, après son purgatoire à la tête de l’UEMOA, rêve toujours du paradis : la présidence du Mali !

Soumaïla Cissé, après son purgatoire à la tête de l’UEMOA, rêve toujours du paradis : la présidence du Mali ! (1/2)
jeudi 27 octobre 2011.
Il l’avait dit, voici quelques années, quand un autre « technocrate », le Béninois Thomas Boni Yayi, avait quitté la BOAD pour briguer la présidence de son pays : c’est « une mission plus exaltante et plus importante » que celle d’une institution sous-régionale. Présider la commission de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), dont le siège est à Ouagadougou (Burkina Faso), n’est pourtant pas une tâche subalterne. Mais Soumaïla Cissé, quand il y avait été nommé, venait de viser et de perdre la présidence de la République du Mali. Un événement qu’il avait vécu comme le résultat sinon d’une trahison, tout au moins d’un lâchage.
Alpha Oumar Konaré achevait son second et dernier mandat ; des primaires devaient être organisées au sein de l’Adéma pour désigner son successeur potentiel (une décennie avant l’opération menée aujourd’hui par le PS français !). Finalement, Konaré, sous la pression des apparatchiks du parti, tentera d’empêcher ce mode de désignation « démocratique » au profit d’une désignation par un comité des sages. Chacun des candidats acceptera la proposition présidentielle ; sauf Cissé. Les primaires seront donc maintenues et Cissé l’emportera sur Soumeylou Boubeye Maïga. Il deviendra le candidat officiel du parti au pouvoir. Jusqu’à ce que la silhouette de ATT se profile à l’horizon. Et c’est ATT, candidat indépendant, qui se retrouvera au palais présidentiel à l’issue d’un second tour qui l’aura opposé à Cissé. 2012 sera donc, pour Cissé, une revanche sur 2002, aucune tête d’affiche « incontrôlée » n’étant appelée à s’immiscer, cette fois, dans le scrutin.
C’est que Cissé n’est pas homme à se contenter d’un strapontin dès lors qu’il estime avoir droit au premier des fauteuils. Vieux réflexe de « crâne d’oeuf », brillant sujet habitué à faire la course en tête et à la gagner. Cissé, fils d’un enseignant, Bocar Cissé, et de Sadio Diallo, est né le 20 décembre 1949 à Niafounké, sur les rives du fleuve Niger (Niafounké se trouve entre Mopti et Tombouctou). Il obtiendra son bac « math élém » au lycée Askia Mohamed de Bamako et poursuivra ses études supérieures au Sénégal. Mais nous sommes en 1968 et l’université de Dakar est le cadre de la « contestation » étudiante (à laquelle participe notamment un certain Iba Der Thiam) : l’université sera partiellement fermée et il va devoir patienter.
En 1972, il y décroche cependant un diplôme universitaire d’études scientifiques ; il va poursuivre ses études en France, à Grenoble, alors symbole de l’innovation technologique. En 1974, il obtient sa licence en mathématiques appliquées. En 1976, Cissé sort major de sa promotion avec une maîtrise MIAGE (Méthodes informatiques appliquées à la gestion des entreprises). C’est un cursus du niveau bac + 4 (master aujourd’hui soit bac + 5) créé à la fin des années 1960 dans trois universités pilotes dont celle de Montpellier où Cissé fera ses études. En 1977, il devient ingénieur en informatique et en gestion de l’Institut des sciences de l’informatique de Montpellier.
Il débutera alors sa carrière professionnelle comme analyste-programmeur au sein du groupe Pechiney, chez Cebal (1978-1980), avant d’être embauché par le groupe Thomson-Answar en 1980-1982, et d’obtenir, parallèlement, en 1981, le Certificat d’aptitude à l’administration des entreprises de l’IAE de Paris. Il rejoint alors la compagnie aérienne Air Inter en tant qu’analyste-chef de projet (1982-1984). C’est alors qu’il revient au Mali. Il a 34 ans.
C’est au sein de la CMDT, en charge du développement de la production cotonnière et de sa transformation, que Cissé va débuter le volet malien de sa carrière professionnelle. Il avait deux/trois proposition de job mais donnera la préférence à la plus importante entreprise agro-industrielle du Mali. A l’issue de la campagne 1979-1980, le Mali est devenu le premier producteur de coton d’Afrique francophone ; une richesse qui représente, en valeur, plus de 60 % des recettes d’exportations totales du pays. Le patron de la CMDT est alors Boubacar Sada Sy. C’est lui qui va permettre à Cissé de s’affirmer ; d’abord dans la sphère économique puis au sein du monde politique. Coordonnateur de projets en 1984, lors de son entrée dans l’entreprise, Cissé y terminera sa carrière au début des années 1990 en tant que directeur général par intérim avant d’être aspiré par la nébuleuse politique qui se constitue autour de Konaré.
C’est qu’entre-temps, le Mali a basculé d’un univers (la dictature de Moussa Traoré) à l’autre (la transition démocratique selon ATT puis Konaré). Les manifestations de masse de 1990 ont débouché, en 1991 sur le coup d’Etat qui a renversé Traoré et permis l’accession au pouvoir d’ATT ; et, en 1992, ce sera l’arrivée de Konaré, un civil, à Koulouba, à la suite de la présidentielle. Boubacar Sada Sy, le mentor de Cissé, s’est beaucoup investi dans la création de l’Alliance pour la démocratie au Mali (Adéma), le parti présidentiel, dont le noyau dur est composé de ce que l’on appellera « le clan CMDT ». Cissé reste dans son sillage ; c’est lui qui a rédigé le programme économique du parti, il a participé aux « marches » en 1990 et 1991 et a perdu sa place à cause de cela sous Moussa Traoré. Quand Konaré s’installe à la présidence, Cissé est nommé secrétaire général avant d’entrer dans le gouvernement d’Abdoulaye Sékou Sow, le 7 novembre 1993, au portefeuille des Finances (puis des Finances et du Commerce à compter de 1994). Boubacar Sada Sy, quant à lui, s’est vu confier le développement rural (depuis le 16 avril 1993) avant de se voir attribuer, le 26 octobre 1994, le ministère des Forces armées et des Anciens combattants où il va imprimer durablement sa marque avant de décéder dans un accident de la circulation.
Ministre des Finances à 44 ans, Cissé va devoir gérer la dévaluation du franc CFA (qu’il jugera « indispensable »). Il n’hésitera pas, à cette occasion, à rendre hommage à l’ancien régime qui, dès 1982, s’était lancé dans une politique d’ajustement (Cissé n’aime pas parler d’ajustement structurel ; il parle d’ajustement tout court, le structurel « ayant une connotation trop rigide » : « Ce qui est important à travers l’ajustement, précise-t-il, c‘est tout simplement de vivre avec ses moyens »). « Je ne parle pas des choix politiques, mais de décisions techniques importantes, qui portent aujourd’hui leurs fruits et nous évitent de tout recommencer à zéro » précisera-t-il au sujet de cet « hommage » (entretien avec Henri Vernet - Jeune Afrique - 12 octobre 1995). Il tient alors un discours qui était dans l’air du temps (et qui le redevient) : « Rien n’est possible si l’Etat n’est pas crédible. Il s’est rendu crédible en payant sa dette intérieure, en apurant les contentieux entre lui et les opérateurs économiques, les syndicats » (Jeune Afrique, cf. supra).
En charge des finances et du commerce, Cissé a conscience de la contradiction de l’économie malienne : « Autant nous souhaitons que l’industrie prenne le pas sur le commerce, autant nous devons reconnaître que nos recettes fiscales sont assises sur la douane ! Ce qui veut dire : plus je veux d’argent pour le budget, plus je dois faire en sorte que les gens importent. Il faut gérer cette contradiction. Les impôts intérieurs devront donc se développer » (Jeune Afrique, cf. supra). Pierre-Abel Dirat, caractérisant « la méthode Cissé » (Jeune Afrique Économie - 6 mai 1996), évoquera « le dialogue et la concertation avec les partenaires économiques […] dans une langue qui n’est pas de bois ». Assainissement des finances publiques, retour de la confiance « entre l’administration malienne et les opérateurs, entre le Mali d’une façon générale et le reste du monde » (JAE, cf. supra), redémarrage des investissements et des activités de production (coton et riz, textiles et huileries), paiement des salaires des fonctionnaires (y compris des arriérés d’avancement bloqués depuis plus d’une décennie)… seront les résultats d’une politique dont il dira qu’elle « doit dégager des ressources » avant « de vouloir faire de la solidarité ».
A suivre
Jean-Pierre BEJOTLa Dépêche Diplomatique

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